Le contexte

 

Jusqu'au début du second empire, la construction des voies ferrées répondait à des règles sévères qui conduisaient à de grosses dépenses pour l'établissement des lignes. L'exploitation en avait été confiée aux grandes compagnies de l'époque : l'Est, le nord, l'Ouest, le Paris - Orléans, le Midi, et le Paris - Lyon - Méditerranée, ou des sociétés moins importantes et financièrement moins florissantes.

 

Afin de développer le réseau ferré, et compte tenu du fait que les nouvelles relations à établir seraient moins rémunératrices que leurs aînées, il vint à l'esprit d'édicter des règles plus souples, donc génératrices d'économie, pour leur construction et leur exploitation. Déjà, dans deux départements (Bas Rhin et Sarthe), les travaux d'infrastructure avaient été financés par ce que que nous appelons aujourd'hui les "collectivités locales", à la manière des chemins vicinaux et avec l'autorisation du ministère des Travaux Publics.

 

L'idée de chemin de fer "économiques" mûrit et à la suite des travaux d'une commission, une loi est promulguée le 12 Juillet 1865. Connue sous le nom de loi MIGNERET (ancien préfet du bas Rhin), elle constitue l'acte de naissance des chemins de fer d'Interet Local ; elle autorise la construction et l'exploitation de cette nouvelle catégorie de voies ferrées, habilitant les départements et les communes, voire par des particuliers, la plus grande latitude étant laissée aux concessionnaires pour l'établissement de la voie et le mode d'exploitation. Il est simplement recommandé, pour un même groupe de lignes, de respecter une certaine unité technique, recommandation qui ne fut pas toujours suivie d'effet ; à l'État qui, dans un louable souci d'unification, veut imposer l'écartement normal (1,435 m) s'opposent les partisans de plus en plus nombreux de la voie étroite ; ces derniers estiment en effet que les économies à réaliser en adoptant un écartement moindre compensent largement les inconvénients du transbordement aux points de jonction avec les grands réseaux. Ce choix de la largeur de la voie est la seule difficulté d'application de la loi.

 

A cette époque, seules quelques mines, carrières ou usines utilisent une voie inférieure à 1,435 m. Devant les bons résultats techniques obtenus par ce genre d'exploitation - et en particulier sur le chemin de fer minier à voie de 1,10 m de Mondalazac à Salles la source (Aveyron) exploité par le P. O.- l'État accepte les écartements réduits. 

Malgré cette facilité, le développement des voies ferrées d'Interêt local est très lent, freiné encore par le conflit de 1870.

En 1871, une loi avait autorisé les départements voisins à se concerter pour réaliser des liaisons interdépartementales. Certains concessionnaires voient ainsi la possibilité de concurrencer les lignes des grands réseaux par la jonction de plusieurs tronçons. Mais ces réactions ne sont pas étrangères aux dispositions qui vont suivre ; à partir de 1878 en effet, M. FREYCINET, nouveau ministre des Travaux Publics, va s'attacher à doter le pays d'un ensemble de voies ferrées cohérent et complet. Il veut en outre séparer nettement le réseau d'Intérêt général de celui d'Intérêt local, et son projet de loi, déposé en 1878, comporte deux tableaux :

- le tableau "A", comprenant les lignes d'intérêt général à construire par les grands réseaux

- le tableau "B", comportant la liste des voies ferrées d'intérêt local concédées au titre de la loi de juillet 1865, à intégrer au réseau d'intérêt général.

Dès lors, les lignes d'intérêt local sont vouées à assurer des relations de second ordre et une nouvelle loi est promulguée en juillet 1880, se substituant à celle de 1865, et qui constituera pendant longtemps la charte des chemins de fer d'intérêt local. 

Compte tenu des nouvelles dispositions financières de cette loi, ce type de chemin, de fer se développe très rapidement, chaque département s'attachant à posséder un réseau desservant toutes les bourgades encore tributaires de la diligence. L'utilité et la rentabilité de certaines lignes sont bien sûr fort contestables, leur établissement ne répondant parfois qu'à des intérêts financiers ou à des soucis électoraux. Mais il est un fait que la longueur du réseau passe de 2187 km en 1880 à 17653 km en 1913. Signalons également qu'en 1882, il avait été admis que certaines lignes d'intérêt général pourraient, pour des raisons d'économie, être construites à voie étroite, l'exploitation pouvant en être assurée soit par les grands réseaux eux mêmes, soit confiée à des compagnies de chemin de fer secondaires.

Devant la prolifération anarchique des réseaux départementaux et la crainte permanente des grandes compagnies de se voir concurrencées, il apparaît nécessaire de modifier une fois de plus la législation. Une loi du 31 juillet 1913 réduit en particulier les subventions de l'État, et par suite la garantie d'intérêts ; en outre, chemins de fer d'intérêt local et et tramways sont regroupés sous la dénomination de "voies ferrées d'Intérêt local" se subdivisant en deux catégories :  chemins de fer et tramways urbain, ces derniers n'assurant que des services voyageurs avec ou sans messageries ! Mais, plus que la loi de 1913, c'est le conflit mondial de 1914 qui donnera un coup d'arrêt brutal et quasi définitif au développement du réseau secondaire français.

Après la fin des hostilités, certaines lignes démontées pour le besoin des armées et particulièrement déficitaires ne vont pas être reconstruites, de même que quelques lignes détruites pendant les opérations dans le nord du pays. Très lentement, on reprend ou on entreprend la construction de lignes en général concédées avant 1914 (et cela durera jusque vers 1934 - 1935). Par contre, beaucoup de projets doivent être abandonnés.

A partir des années vingt, les dépenses d'exploitation augmentent dans des proportions considérables, en raison du renchérissement des matières premières. De plus le public se met à bouder un mode de transport lent, inconfortable et désuet. Le déficit s'installe confortablement dans beaucoup d'exploitations.

En 1928, alors que le réseau d'intérêt local a atteint son développement maximal avec 20291 km auxquels il convient d'ajouter 2165 km de lignes d'intérêt général exploitées par des compagnies secondaires, on assiste aux premières fermetures de lignes, parfois au trafic voyageurs seulement, parfois à tout trafic.

En 1939, au moment de la déclaration de guerre, il ne reste environ que 12000 km de lignes exploitées; Toutefois, en raison du conflit et de la pénurie de carburant, le train à vapeur refait son apparition ; certaines lignes fermées mais non encore démolies sont remises en service et rendent d'inestimables services aux populations démunies de tout moyen de transport et en quête de ravitaillement.

Après la Libération, le plan MONNET envisage, en 1947, la modernisation de 6000 km de lignes, tandis que 2500 km seraient conservés tels quels. Mais la concurrence routière renaissante jointe au développement du transport individuel mettent en péril les réseaux subsistants. La vague de fermeture reprend de plus belle : en 1954, la longueur exploitée se réduit à 3700 km  , s'abaissant encore à 2800 km en 1965.

 

Concessionnaires et exploitants :

En ce qui concerne l'exploitation de ces petits trains, dans la plupart des cas les départements concédaient leur réseau à des sociétés spécialisées dans ce genre d'exploitation, avec bien entendu signature entre les deux parties de conventions assorties de cahiers des charges. L'exploitation était toujours simplifiée, avec des trains mixtes : voyageurs et marchandises. la légéreté des installations jointe à l'insuffisance des locomotives en nombre et en puissance entraînait souvent retards, incidents, voire déraillements sans gravité ; on racontait souvent que, pour franchir une rampe prononcée, les voyageurs devaient descendre sur la voie et pousser le convoi. Les passages à niveau et les parcours sur route occasionnaient également des collisions parfois meurtrières.